Pendant des années, ma vie s'est déroulée dans des endroits où la dévastation était une réalité quotidienne. J'ai travaillé comme humanitaire dans des communautés marquées par la violence de la guerre et la férocité de la nature.
Dans ces endroits, la perte était omniprésente, mais la résilience l'était tout autant. J'ai vu des gens reprendre leurs activités quotidiennes : déblayer les débris, reconstruire les murs, préparer les repas sur de petits feux. Et au milieu de cette lutte, j'ai commencé à remarquer les objets qui résistaient : des céramiques faites à la main, des jarres en terre cuite contenant l'eau du jour, des marmites noircies par des années d'utilisation, des bols ayant servi à d'innombrables repas. Ce n'étaient pas des luxes ; c'étaient des bouées de sauvetage, des ancres dans un monde en mutation.
Certains de ces navires sont revenus avec moi, non pas comme souvenirs, mais comme rappels de la force dont j'avais été témoin. Chacun portait une histoire de survie et de volonté de reconstruction.
Plus tard, lorsque j'ai commencé à travailler l'argile, ces souvenirs ont façonné ma démarche. Mes études à Florence, en Italie, m'ont donné les bases nécessaires : apprendre à respecter la matière, à faire preuve de patience et à laisser l'argile s'exprimer à sa manière. Entourée de siècles de tradition, j'ai compris comment la céramique pouvait créer un lien entre mémoire, culture et continuité.
Dans mon atelier en France, j'ai trouvé ma voie dans la cuisson au saggar. Travaillant dans mon four de jardin, j'enfermais chaque pièce dans un contenant contenant des feuilles, des fleurs et des minéraux récoltés après la fin de la saison. Sous la chaleur du four, ces vestiges de la nature se transformaient, laissant de délicates empreintes à la surface, tout comme la lutte laisse ses traces dans l'esprit humain.
Chaque tir est différent, jamais totalement sous mon contrôle – et c'est là toute la vérité. Comme dans la guerre et le désastre, la beauté peut surgir de l'imprévisible, et l'endurance se révèle dans ce qui reste.
Aujourd'hui, chaque récipient que je crée porte cette histoire. Ce ne sont pas des objets immaculés et intacts ; ils sont destinés à être conservés, à vivre au quotidien et à nous rappeler notre résilience commune – et les histoires que la Terre elle-même est prête à raconter.
À travers des formes organiques, des surfaces texturées et des motifs élémentaires, je cherche à refléter la double nature des éléments eux-mêmes : capables de destruction, mais aussi de guérison et de régénération. Chaque récipient que je crée est une offrande : un rappel que ce que nous tenons entre nos mains peut nous relier les uns aux autres, à la terre et à la force inébranlable de l'esprit humain.